« J’ai pris conscience de la place que la pornographie occupait dans ma vie et des déviances de cette industrie »


Comme dans une production érotique à petit budget, le scénario n’est pas très original : découverte de la pornographie à l’adolescence, puis une pratique qui évolue avec le temps et la sexualité. Plusieurs dizaines d’internautes – très majoritairement des hommes – ont accepté de confier au Monde leur rapport au porno, lors d’un appel à témoignages. D’une histoire très personnelle à l’autre, tous ont découvert la pornographie avant leur majorité.

A 12 ans, à 17 ans, mais le plus souvent à 14 ou 15 ans, la plupart ont découvert les vidéos X sur les sites de « tubes » ou, pour les plus âgés, par « le grand frère qui avait oublié de ranger cette vieille VHS des Nuits de Marilyn [1981] ». Les itinéraires de consommateurs de pornographie sont cependant variés.

Il y a, d’abord, ceux pour qui la pornographie a été une simple étape dans la découverte de la sexualité et qui sont passés à autre chose. « Du porno, j’en consomme depuis mes 14-15 ans, raconte N., qui habite une grande ville dans l’ouest de la France. J’en ai consommé de moins en moins tandis que j’avançais en âge. Ayant aujourd’hui 21 ans, je n’en regarde quasiment plus, deux ou trois fois dans l’année. Le porno m’a permis aussi de trouver des contenus satisfaisant ma libido d’adolescent n’ayant jamais eu de relations amoureuses ou sexuelles : il comblait un manque. »

Une pratique vécue honteusement

Pour d’autres, le porno a été une pratique régulière, pendant des années, avant une « prise de conscience » plus ou moins brutale. Souvent, celle-ci débute par un sentiment d’addiction, ou du moins par une consultation compulsive très mal vécue – l’existence d’une « addiction » à la pornographie fait toujours l’objet de débats scientifiques. « J’ai 29 ans, je suis marié, il faut que j’en consomme au moins deux fois par jour, c’est énervant, écrit A. J’ai essayé d’arrêter, j’ai tout bloqué, abandonné mon smartphone pour revenir à un téléphone 2G… Chaque jour je suis dans un combat avec moi-même, je me sens très fragile, je suis prêt à tout sacrifier pour sortir cette merde de ma tête. »

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Ce sentiment d’être dépendant de la pornographie se double souvent d’un questionnement éthique ou moral. « En 2020, j’ai pris conscience de la place que la pornographie occupait dans ma vie et des déviances de cette industrie. J’ai réalisé qu’elle était souvent liée à de la prostitution, de la maltraitance, des viols, etc. De plus, j’ai commencé à comprendre l’influence qu’elle exerçait sur mes propres pratiques sexuelles. J’ai alors mis fin à ma consommation de pornographie, ce qui a été très bénéfique pour ma part », raconte T., qui poursuit des études supérieures à Lyon. A l’âge adulte, R., 35 ans, s’est inquiété du « caractère absolument immoral de la pornographie, avec les phénomènes d’exploitation et d’ubérisation mis en avant dans des documentaires comme Hot Girls Wanted ». Il « tente d’arrêter » depuis une dizaine d’années, mais continue d’en regarder, « non sans un fort sentiment de honte ».

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